Moulins et meuniers dans la généralité de Soissons par G. Hardy
- Par btrichet1
- Le 16/05/2017
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Nous retranscrivons ci-dessous un article de G. Hardy, président de la Société historique et archéologique de Château-Thierry, (paru dans dans le « Bulletin de la fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie de l'Aisne », T. XII, 1966) qui dresse un tableau précis et détaillé de la meunerie sous l'Ancien Régime dans la Généralité de Soissons, partie de l'actuel département de l'Aisne qui comprenait non seulement les élections de Guise ( Thiérache), Laon, Soissons et Château-Thierry, mais aussi celles de Clermont, Crépy-en-Valois et Noyon (dép. de l'Oise). L'auteur se borne à la partie axonaise de la généralité. Nous avons relevé dans ce texte quelques erreurs de noms et de dates, que nous avons corrigées (entre crochets) selon ce qui figure dans les archives concernées.
Carte de la Généralité de Soissons, entre 1780 et 1783 (source : Wikimedia commons).
La Société rurale dans la Généralité de Soissons : Moulins et meuniers
Dans les deux derniers siècles de l’Ancien Régime, il n’est guère de paroisses un peu consistantes qui ne disposent d’un moulin, et les centres urbains en ont ordinairement plusieurs. Pour l’étendue de territoire qui forme aujourd’hui le département de l’Aisne, on comptait en tour, à l’aube du XIX” siècle, 937 moulins à eau, repartis de la façon suivante : 72 dans l’arrondissement actuel de Saint-Quentin, 222 dans l’arrondissement de Vervins, 289 dans l’arrondissement de Laon, 194 dans l’arrondissement de Soissons, 160 dans l’arrondissement de Château-Thierry.
Les moulins à vent, pour être moins nombreux et se situer de préference au centre et au Nord de la Généralité, ne laissent pas de tenir une place importante dans l’économie: en tout 371, à savoir : 195 dans l’arrondissement de Saint-Quentin, 41 dans l’arrondissement de Vervins, 125 dans l’arrondissement de Laon, 6 dans l’arrondissement de Soissons, 4 dans l’arrondissement de Château-Thierry.
C’est dire déjà que le Moulin est étroitement lié à l’activité locale et que la personne du meunier ne peut manquer de se présenter au regard de l’opinion avec un relief accentué.
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Le moulin est généralement établi en marge du village ou de la ville. Il constitue un petit monde à part. Il porte souvent un nom qui lui est propre et qu’il tient soit de quelque influence religieuse (moulin de St Martin, moulin de St Gond, moulin de Ste Catherine, moulin Notre-Dame, moulin-Dieu, moulin de St Lazare, etc...), soit du lieu-dit où il se trouve (moulin de Chaillot, moulin de Saconay, moulin de la Tuillerie, moulin de Mirlampart, moulin de la Tombelle, moulin du Ponceau, moulin de la Potterie moulin de Molinchart, etc.), soit d’une particularité du relief (moulin de Froidmont, moulin de Monte-à-peine, moulin du Mont St Jean, moulin de la Fosse), soit encore du nom de son fondateur, de certains traits de son histoire ou de son aspect (moulin Bariseau, moulin Deuillet, moulin Rouge, moulin Brûlé, moulin de la Feuillée, etc.).
Entrons dans l’un de ces moulins, que les inventaires et les actes de vente ou de location qui les dépeignent nous présentent comme « tournant, virant, travaillant et faisant de blé farine », et voyons en gros, à commencer par le moulin à eau, comment il est fait.
C’est en général une construction fort modeste, et qui abrite un mécanisme relativement simple.Établie au bord d’un cour d’eau, elle porte le nom de « moulin pendant » ou « de pied ferme », par opposition au « moulin à nef », qui était porté par des bateaux et qui était à peu près disparu à l’époque qui nous occupe.
La force motrice est produite par une roue de grandes dimensions et de différents types : roues en dessous, roues en dessus, roues de côté, suivant que l’eau arrive à leur partie inférieure, à leur partie supérieure ou en un autre point de leur contour. Contentons-nous de décrire la roue en dessous, dite aussi roue à aubes ou à palettes, et qui était la plus usitée.
Sur ses jantes sont implantées de fortes chevilles, dites « bracons », auxquelles on fixe des planches rectangulaires, les « aubes ». La roue est placée en avant d’une « vanne », qu’on lève plus ou moins selon la force qu’on veut obtenir, et l’eau qui s’échappe, en heurtant les aubes, imprime à l’appareil un mouvement de rotation. Quelquefois, pour que la roue exerce à plein son action, on l’établit sur deux murettes parallèles. Tout cela est en général désigné dans les inventaires sous le nom de Ventellerie.
L’arbre moteur qui correspond à la roue hydraulique porte un « rouet » vertical, qui engrène dans une roue horizontale, laquelle transmet le mouvement à la meule supérieure ou meule courante, tandis que la meule inférieure ou « meule gisante » reste immobile. Notons que ces pierres meulières proviennent en général, des carrières de La Ferté-sous-Jouarre, de Montmirail, de Meaux ou d’Ëpernay.
Le grain est versé dans la « trémie », grande auge carrée, large par le haut, fort étroite par le bas. De la trémie il passe dans une petite caisse rectangulaire, l’auget, agité d’un mouvement régulier d’oscillation qui facilite l'écoulement. C’est ce mécanisme qui produit le tic-tac du moulin, ce qui lui vaut le nom courant de « Babillard ».
A sa sortie de l’auget, le grain tombe dans un trou, I’œillard, qui est percé au centre de la meule courante, et finit par arriver dans l’intervalle qui sépare les deux meules, où il est broyé. Enfin, la mouture ainsi obtenue est chassée par la force centrifuge du centre de la meule à la périphérie et tombe dans le « bluteau », cylindre d’étamine où la farine, tamisée à travers les mailles de l’étoffe, se sépare du son.
Pour le moulin à vent, ;le mécanisme est le même que celui du moulin à eau, mais l’appareil de transmission de la force motrice (c’est-à-dire l’arbre moteur et la roue dentée) est placé à la partie supérieure de la construction, au lieu de se trouver, comme dans le moulin à eau, à la partie inférieure.
D’autre part, dans le moulin à vent, l’arbre moteur fait un angle de 8 à 15 degrés avec l’horizon, parce qu’on a observé que l’air en mouvement fait ordinairement un angle de cette valeur avec la surface de la terre. Cet arbre moteur, à son extrémité extérieure, porte deux volants, qui forment une sorte de croix et constituent les « bras » du moulin.
Chacun de ces bras sert d’axe à un châssis rectangulaire, en forme d’échelle, sur lequel on tend une toile appelée « voile » pour en faire une surface continue, sensible à l’action .du vent. Ce sont là les « ailes » du moulin.
Quand on veut faire marcher le moulin, on le « met au vent », le plan des ailes devant être à peu près perpendiculaire à la direction du vent. Pour permettre cette manœuvre, l’édifice est construit en bois, au sommet d’un cône de maçonnerie, qui porte une grosse colonne centrale, et le moulin proprement dit, c’est-à-dire la partie construite en bois, pivote sur cette colonne. C’est à l’aide ,d’un long levier que le meunier le fait pivoter jusqu’à ce qu’il ait obtenu la direction favorable.
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En dépit de sa rusticité, le moulin est une chose fragile.
Le moulin à vent est sous la menace des vents violents, qui l’obligent à tourner plus vite qu’il ne conviendrait au mécanisme et qui risquent aussi d’endommager ses ailes.
Le moulin à eau est encore plus exposé. Il souffre des pluies excessives, qui occasionnent une surabondance d’eau, tout autant que la sécheresse prolongée, qui l’immobilise parfois pendant des semaines. Le gel n’est pas moins redoutable à Acy et à Vauxaillon par exemple, dans l’hiver de 1782 et 1789, les habitants ont beau s’efforcer de « déglacer » : les moulins cessent de tourner ou ne tournent que par courts intervalles. Le flottage des bois, de son côté, contrarie en maint endroit le cours de l’eau et oblige assez fréquemment les moulins à fermer leurs vannes.
Enfin, des accidents surviennent, relativement nombreux, dans l’appareil d’aménagement des eaux : pilotis de protection qui se rompent et vont à la dérive, « royeres » ou fossés d’amenée d’eau qui se comblent, digues qui s’effondrent, écluses et ventellerie qui se disloquent, - tout cela, compliqué de surcroît par des contestations pour la propriété des cours d’eau et des étangs et l’application du règlement des eaux -, ne cesse guère de réduire de nombreux moulins au chômage et de compromettre le ravitaillement des usagers en farine.
On ne saurait oublier non plus, notamment pour la seconde moitié du XVIe siècle, les ravages des gens de guerre, qui s’empressent d’accaparer les moulins pour leur usage personnel, en usent sans ménagement, au point de les laisser en ruines, voire les incendient par mesure d’hostilité.
Aussi a-t-on prévu, pour remédier en quelque mesure à tant d’inconvénients, tout un régime de protection, sous le contrôle de la justice et sous la forme de visites par experts, chargés de constater les accidents ou les méfaits, de dresser des devis de réparations, au besoin de décider la suppression des moulins les plus endommagés ou le cas échéant, d’en proposer le rétablissement.
Il s’agit là, c’est bien net, d’un élément de la vie sociale qui, sans aller jusqu’à constituer une institution officielle, est, en raison de son importance, en fait reconnu comme un service public. A telle enseigne, que l’ouverture ou la réouverture d’un moulin comporte à l’ordinaire une consécration spirituelle : « Le Moulin Rouge, note le curé de Vassogne dans son registre paroissial du 2 décembre 1783, a été béni après sa reconstruction en neuf. Nous y avons été en procession et nous en sommes revenus de même ».
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Le moulin peut être la propriété d’un particulier, le meunier lui-même, celui qui l’a construit ou bien tout bonnement celui qui l’a acheté. Il arrive même assez souvent que, par suite de partages, de successions, il appartienne par fractions (la moitié, le l/3, le 1/4, le IOe) à plusieurs propriétaires, qui s’entendent, pour le mettre en location ; le cas sera de plus en plus fréquent dans les dernières années du XVIIIe siècle ; Turgot, notamment, se montrera partisan déclaré du moulin indépendant de tout privilège féodal et poussera les meuniers au rachat.
Mais ce qui, malgré tout, l’emporte jusqu’à la veille de la Révolution, c’est la banalité du moulin. A l’origine, !e seigneur justicier ayant seul les moyens de faire cette dépense, se charge de la construction et, en conséquence de son droit de justice et de police, oblige ses sujets à y recourir exclusivement, moyennant redevance.
A partir du XVIe siècle, ce monopole est considéré non plus comme un droit féodal normal, découlant du droit de justice, mais comme un droit exceptionnel et contraire au droit commun. Dès lors, l’établissement d’une banalité ne sera plus abandonné à l’arbitraire seigneurial : le Roi interdira d’exiger, sans titre précis, une redevance quelconque pour exercice de ce droit.
Or, la plupart des seigneurs auraient été bien empêchés d’exhiber sur ce point des actes authentiques ; ils s’adressaient aux notaires et surtout à des spécialistes du droit féodal, les feudistes, pour se procurer des actes plus ou moins apocryphes et comptaient sur l’ignorance de leurs vassaux ou la complaisance des juges pour faire reconnaître leurs prétentions.
De là, aux XVIIe et XVIIIe siècles, tout un mouvement de protestations contre les banalités abusives, et l’obligation pour les titulaires de seigneuries, de justifier la 1égitimité de leurs titres. De là aussi, comme on peut s’y attendre, des procès qui mettent aux prises habitants et seigneurs. Tel est, à titre d’exemple, le cas des habitants d’Ognes, qui, en 1772, appellent devant la justice de La Fère d’un jugement rendu par le second échevin de la justice du marquisat de Genlis au sujet de la banalité du moulin d’Abbécourt : ils allèguent que, « la banalité étant une servitude, il faut absolument un titre valable pour l’établir ; qu’elle ne peut s’établir par la possession, fût-elle immémoriale, parce qu’en matière de servitude, la possession ne peut jamais faire un titre, et qu’en cette matière il n’y a ni complainte ni action sur la possession, à moins qu’elle ne soit soutenue d’un titre : tel est le droit du Royaume, et qu’ils ont été de tout temps moudre leurs grains ,« où il leur a plu ».
Ce qui rendait la banalité du moulin particulièrement odieuse, - nous le savons surtout par les Cahiers de 89, - c’était l’obligation de porter les grains en des points souvent fort éloignés et par des chemins affreux, c’était la nécessité d’attendre parfois pendant plusieurs jours à la porte d’un moulin momentanément dépourvu d’eau, - celle d’accepter bon gré mal gré de la mauvaise farine, de subir la mauvaise foi et les vexations d’un meunier autoritaire, - celle encore de payer en surplus une demi-mouture si, pour gagner du temps, on veut être autorisé à s’adresser à un autre moulin.
S’avise-t-on de tourner la difficulté et d’écraser secrètement ses grains avec une meule à bras ? Une police spéciale, les « gardes ou sergents de Banalité» est là pour y veiller, et tant de persécutions n’empêchent pas le valet du moulin d’intervenir à son tour pour quêter, annuellement, à l’occasion des Fêtes de Pâques, les « ratons (crêpes) et les œufs rouges ».
En définitive, une paroisse pour qui le moulin est trop difficile d’accès ne peut, à la rigueur, s’exempter de la banalité qu’à la suite d’un arrangement coûteux : comme il arrive aux habitants de Monceau-lès-Leups, qui, en 1611, obtiennent de faire moudre leurs grains à « Pont-à-Bucy moyennant le versement ,d’un quarteron de blé au moulin de Fressancourt.
Mais le plus grave peut-être, en toute cette affaire, c’est que le seigneur détenteur du droit de banalité, peu soucieux de l’exercer personnellement, l’afferme par adjudication. L’adjudicataire lui-même n’est parfois qu’un simple intermédiaire, qui ne cherche là qu’un placement commode, et prend un meunier comme sous-locataire : toutes charges accumulées qui incitent le meunier à se rattraper de son mieux sur une clientèle dont il est assuré qu’elle ne peut lui échapper.
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Au seuil du moulin se dresse le Meunier, blanc de farine et coiffé de son bonnet pointu. Ce meunier, c’est quelquefois une meunière, qui a pris la suite de son mari défunt. Le personnel auxiliaire est représenté par un garde-moulin, qui porte aussi le nom de chasse-marée ou chasse-mannée. Le meunier est un personnage marquant non seulement de la communauté paroissiale, mais du secteur sur lequel rayonne son moulin. On ne peut ignorer son existence et l’on ‘est souvent obligé de se soumettre ses exigences. Il forme avec ses confrères une sorte de caste, au point que les mariages entre meuniers et filles de meuniers sont fréquents. Il tient à son rang, soigne ses relations, et nombreux sont les gens de qualité à qui il demande de tenir ses enfants sur les fonts baptismaux : généralement le seigneur, son fils ou sa fille, - ou bien des personnalités plus ou moins en vue : par exemple, un avocat en Parlement et lieutenant général du duché de Guise en la justice de Rumigny et Aubenton, un employé des Fermes du Roi, un Conseiller honoraire au présidial de Laon, la fille d’un avocat, le notaire royal de Bruyères et bailli de Bourg, l’architecte de S.A S. à Villers-Cotterêts, le fils du maître des Postes de Paroy, l’intendant de M. d’Argonges, conseiller d’État ordinaire et en Conseil royal, la femme du grand maître des Eaux et Forêts de Villers-Cotterêts, un procureur fiscal, la fille du capitaine du château royal d’Anizy, un capitaine du régiment d’Enghien, etc, et, à défaut, des notables de moindre importance, mais encore triés sur le volet : un huissier, un maître d’école, un gros marchand de la ville voisine, un entrepreneur de briqueterie, un maître perruquier ou d’autres meuniers du voisinage. Comme, d’autre part, son métier l’oblige à tenir des comptes, et suppose quelque degré d’instruction, il est amené à exercer certaines fonctions publiques : celui-ci est maire ou syndic de sa paroisse ; cet autre, en 1787, est nommé greffier de l’assemblée municipale.
Ce n’est pas que ce niveau social ait des rapports nécessaires avec sa situation de fortune. En général, il ne brille nullement par la richesse. Les moulins sont trop nombreux, trop rapprochés les uns des autres, pour que leur chiffre d’affaires laisse des bénéfices bien consistants. Les inventaires que nous possédons ne font rien apparaître ne disons pas de luxueux, mais d’un peu recherché dans le détail du mobilier et se tiennent par exemple, quant à l’estimation totale des objets, fort au-dessous de ceux de l’artisan ou du fermier. S’il se trouve que certains d’entre eux ont quelques biens au soleil, ce ne sont jamais que des menues pièces de terre ou de pré, et dans les mutations qui les concernent, les ventes tiennent généralement plus de place que les achats ; car, sauf de rares exceptions, écrasés par le montant de leur loyer, ayant affaire d’autre part à une clientèle de vie difficile et qui abonde en mauvais payeurs, ils sont eux-mêmes fréquemment endettés et forcés de faire appel à des prêteurs qui ne les ménagent pas : tel, en 1775, ce meunier d’Andigny qui, ayant emprunté 400 livres à un marchand de Guise, Jean-Marie Bourgeois, a dû souscrire une obligation de 600 livres payable dans le délai d’un mois et, pris à la gorge, se décide à poursuivre ledit Bourgeois pour délit d’usure.
C’est pour essayer de remédier à ces embarras pécuniaires et pour augmenter le rendement de son moulin, que trop souvent le meunier commet cette faute professionnelle qui se dénomme « la chasse en quête de mouture ». Franchissant les limites du champ d’opérations qui lui est fixé, il va de ferme en ferme, de maison en maison, ou délègue son garde-moulin, pour obtenir des habitants qu’ils lui confient leurs grains, au lieu de les remettre. comme ils en ont l’obligation, au moulin dont ils dépendent. Par les marchandages qu’on devine, ils s’assurent sans trop de peine, la complicité de cette clientèle interdite. Mais ce genre de fraude est difficile à dissimuler, les meuniers qui en sont victimes sont aux aguets, les dénonciations aussi vont leur train, les tribunaux interviennent, frappent les coupables des dommages et intérêts et d’amendes, et il est rappelé par ordonnance aux habitants qu’il leur est défendu de « prêter leurs chevaux et bêtes de charge, ou voitures pour charger les grains ou ramener les farines », au mépris du droit de banalité du moulin auquel ils sont rattachés.
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Dans ce climat de difficultés et d’exigences, le meunier a rarement bonne presse, et les plaintes affluent contre son comportement.
Çà et là, on lui reproche, - et les boulangers en tête, - de prélever des redevances supérieures au droit de mouture fixé par les règlements, - de se servir de mesures non étalonnées, - de tromper sur le poids de farine qu’il doit fournir en échange des grains, - d’exiger de l’argent pour une plus prompte mouture, - de faire illicitement le commerce des grains, - d’aller d’exaction en exaction, - d’asservir sa clientèle à son « coquinisme », - en somme, de rendre nettement insupportable une servitude qui par elle-même pesait déjà lourdement sur les usagers.
Le meunier se défend avec vivacité, et même attaque : il n’hésite pas à porter plainte contre « des quidams qui répandent dans le public des faits qui ne tendent pas moins qu’à détruire sa réputation » : il accuse un tel de jeter des immondices dans le bief de son moulin ; il reproche à tel autre de venir pêcher nuitamment du poisson dans son étang, à tels autres encore de profiter de leur présence au moulin pour lui voler du grain.
Comme si tant de griefs ne suffisaient pas, le meunier, passant du sévère au plaisant, se laisse assez facilement aller faire le joli cœur auprès de sa clientèle féminine. Notre folklore, nos vieilles chansons, - nous le savons, - font mainte allusion à cet à côté de la mouture, et ce n’est pas là simple
légende. Car ses ravages, à quoi s’ajoutent, comme s’il s’agissait vraiment d’un travers du métier, ceux de son garde-moulin, lui valent, plus souvent qu’à son tour, une poursuite devant les tribunaux pour séduction, pour frais d’entretien ou pour légitimation de l’enfant né d’un commerce coupable.
Résiste-t-on à ses avances ? Dans deux cas au moins connus de nous, il se venge en racontant sur le compte de ses clientes trop vertueuses des histoires de sa façon, et il lui faut déclarer solennellement par-devant notaire et témoins que ses dires ont dépassé sa pensée, qu’il consent à réparer sa faute, qu’il « tient la victime de ses calomnies pour fille de bien et d’honneur ».
A revivre avec les archives ce lourd passé du meunier, on ne peut s’empêcher d'évoquer cette savoureuse Lettre de mon moulin qu’Alphonse Daudet consacra au sympathique curé de Cucugnan : « Mes chers frères, - Demain lundi, annonce au prône ce saint homme, je confesserai les vieux et les vieilles. Ce n’est rien.
« Mardi, les enfants. Ce sera bientôt fait.
« Mercredi, les garçons et les filles. Cela pourra être long.
« Jeudi, les hommes. Nous couperons court.
« Vendredi, les femmes. Je dirai : Pas d’histoires.
« Samedi, le meunier ... Ce n’est pas trop d’un jour pour lui
tout seul ... »
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En un temps où, dans les campagnes, on avait si tôt fait de passer des injures aux coups, ces démêlés d’ordres divers aboutissaient à maintes bagarres, dont nous ne retiendrons que ces quelques échantillons :
Bagarres entre meuniers : par exemple, en 1600, Laurent Dumont, meunier à Saint-Pierremont, reçoit des coups de Vespasien Debray, meunier à Tavaux-Pontséricourt [Vespasien Debray vivait en réalité à la fin du XVIIe siècle] ; en 1667, Denis Boulongne, meunier à Chauny, et sa femme soutiennent un combat en règle contre Gabriel Baroche et Nicolas Gros, valet et garde des moulins ,de Chauny ; en 1732, Antoine Marlière, meunier à Fesmy, et son neveu se livrent à des voies de fait sur Thomas et Daniel Sembry [Sic, lire Sémery], meuniers à Boué, qui venaient chasser (c’est-à-dire quêter mouture) dans leur village ; en 1752, Thomas Sémery, meunier à Boué, est poursuivi pour tentative d‘assassinat suc la personne de François Lefèvre, fils de la meunière de Vénérolles ; en 1767, Antoine Lépicier, meunier au moulin Dienne, blesse d’un coup de pistolet Antoine Leclerc, meunier au moulin du Haut ; en 1768, le vicomte de Farieux, seigneur de Landifay, et son meunier rouent de coups Jean-Pierre Carlier, meunier à Monceau-sur-Oise ; en 1647, Antoinette Levent, femme de Charles Vieville, meunier A Marle, pour se venger du meunier de Thiernu, blesse son cheval d’un coup de couteau.
Bagarres entre les meuniers et leurs clients ou leurs voisins, et qui parfois vont jusqu’au meurtre: en 1605, à Rumigny, homicide d’Adrien Régnier, meunier du Mont Saint-Jean, par Michel Bocquet ; en 1716, coups donnés au meunier Pierre Brinenval par Violette et Antoine Fournier ; en 1698, assassinat de François Prévost, meunier à Montigny-en-Arrouaise, par Martin et Charles Duchemin ; en 1703, injures et coups de poing donnés par Nicolas Lefèvre et Antoinette Venet au meunier Nicolas Landouzy, dans l’église de Saint-Algis, à la messe, le jour de la Pentecôte ; en 1710, à Jeantes, rixe entre le meunier Pierre Gérard et Antoine Bitaille, berger ; en 1768, entre Thomas Sémery et son fils, meuniers à Boué, et Pierre Fiévet et son fils, marchands de blé audit lieu ; en 1786, entre le meunier de Voulpaix et Médard Ducloux ; en 1783, assassinat de Carlier, meunier de Chivy, sur le chemin de Laon à Mons-en-Laonnois ; en 1768 [Sic, lire 1708], blessures reçues par Mathieu Larmuzeau, meunier à Sommeron ; en 1716, coups donnés à Pierre Delacroix, meunier à Englancourt, par Jean Roger, son débiteur ; en 1743, coups et blessures reçus par Daniel Sémery, meunier à Boué ; en 1784, voies de fait sur Louis-Abraham Élizée Labiez, meunier à Montceau-sur-Oise, par Jean-Louis Loizeau et J.-B. Labrasse, gardes-bois à St-Germain et Lesquielles ; en 1775, coups reçus des gardes de M. de Boudry, par Michel Ancelin, meunier à Comas ; en 1731, voies de fait exercées sur le fermier du moulin de Fargniers, qui venait de transporter des farines au camp de Camas pour la subsistance des troupes et ouvriers employés au canal de Picardie ;en 1733, coups donnés à J.-B. Louarde, meunier à Beautor, par Dupuis, curé, de ce village : en 1696, blessures faites par des voituriers d’Étreux à Marie Desémery, veuve d’Isaac Labbé, meunier du moulin, de la Bussière, qui leur représentait le danger de passer avec de lourdes charges sur le pont au-dessus dudit moulin.
Le garde-moulin n’est pas plus épargné que son patron : en 1694, Constantin Moral. valet de meunier à Mézières-sur-Oise, se bat avec Antoine Landormi ; en 1751, celui du moulin à vent de Pleine-Selve, Louis Braillon, est gratifié de coups de bâton par Jean de Maquarel, seigneur du lieu ; en 1702, Jean Jacob, va!et du meunier de Saint-Martin-Rivière, est gravement blessé par Jacques Lefranc ; en 1777, Pierre-Joseph Bricot, garçon meunier au moulin de Briquenay, est attaqué par un trio : Charles Gobeau, bûcheron, Geneviève Boulogne et Jacques Boulogne, qui le met mal en point.
Il est vrai de dire que le meunier ne demeure pas en reste d’hostilités et prend tout aussi volontiers l’offensive : c’est, en 1715, le meunier François Roussin qui est traduit devant la Prévôté de Ribemont pour coups donnés à Jean Carpentier, et ce sont, en 1683, des meuniers de Fargniers et de Quessy qui blessent d’un coup de hache le précepteur des enfants de Madame de Flavigny, à Liez ; en 1761, un procès criminel est intenté à Thomas-Élisée Désémery, meunier à Wiège, qui a insulté et battu François Domergue ; en 1740, Pierre Lepage, meunier des moulins de Chauny, prend à partie et frappe rudement Louis Moret, huissier à Guise ; en 1783, c’est au tour d’un chirurgien de Mons-enaLaonnois, Henri Dodemans, d’être traité de la même façon par le meunier Antoine Dumotier.
D’autres fois, c’est par personnes interposées que le meunier se venge de ses ennemis : c’est ainsi qu’en 1739, Antoine Pourier, meunier à Wiège, et son fils Nicolas, ayant à se plaindre du meunier de Monceau-sur-Oise, qui envoie chasser et quêter mouture dans l’étendue du village et territoire de Wiège, ont soudoyé un soldat du Régiment de Touraine, Jean Maseret, dit Va-de-bon-cœur, pour qu’il se charge « de faire violence » aux deux gardes du moulin de Monceau et de tuer les chevaux du meunier.
Atmosphère de bataille, d’énervement, d’acrimonie, qui s’explique par les conditions mêmes dans lesquelles le moulin fonctionne, et qui est contagieuse, au point qu’il arrive aux clients eux-mêmes, au cours de leurs longues attentes à la porte du moulin, de se traiter en ennemis : par exemple, en 1709, une violente échauffourée éclate au moulin de Brissay-Choigny et affronte Barbe Gossard et tout un groupe : Louis Grimbert, sa femme, Ambroise et Antoine Risbourg, sous prétexte que ladite Barbe prétendait passer avant eux pour faire moudre son grain.
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Comme il est loin du réel, le joli moulin campé sur la colline ou niché dans la verdure, et remplissant l’air de sa gaie chanson. Au vrai, c’est, on le voit, le théâtre d’âpres disputes, de sombres guets-apens, de luttes sanglantes, et, renchérissant sur la violence des hommes, c’est la révolte de la machine asservie ou la traîtrise des eaux. C’est, en 1660, la mort d’Antoine Pluche, valet au moulin de Crécy, « crevé du fer du moulin tombé sur lui en chemin » ; en 1715, la mort du meunier Firmin Ancelot, de Quincy, « les ailes du moulin à vent ayant été cassées par le vent » et l’ayant grièvement blessé ; en 1768, la mort d’un garçon de 11 ans, Joseph Watin, domestique de Charles Lanclud, meunier du moulin de La Capelle, qui, pris entre le rouet et la lanterne de l’écoustière, a eu la tête fracassée et le corps tout entier broyé ; en 1779, la mort de Pierre Tupigny, garde-moulin au moulin de Béthencourt, à la suite d’une chute ; en 1781, la mort de Paul Bry, écrasé par la chute d’une des meules du moulin de Chigny, ce qui vaut à sa veuve une rente viagère de 200 livres de la part de son seigneur, le marquis d’Hervilly, baron d’Iron, seigneur de Leschelles ; et c’est encore - autre série de morts tragiques, - Philippe Le Roy, meunier de Barisis, et sa belle-mère, noyés par la crue qui a envahi le moulin ; en 1668, à Crécy-sur-Serre, un nommé François, domestique de M. d’Angerville, « noyé en la fosse du moulin » ; en 1714, à Fargniers, un enfant tombé dans l’eau et noyé en passant contre l’étang du moulin, lequel, suivant le rapport de plusieurs personnes qui l’ont reconnu, était passé par là cinq jours auparavant paraissant avoir l’esprit perdu ; en 1727, Marie-Rose Gillet, fille majeure, demeurant à Guise, noyée dans un des canaux du moulin de Guise ; en 1734, à Auffrique et Nogent, Marguerite Tétard, trouvée noyée dans l’étang des Moines, près du moulin de Nogentel ; en 1741, une fille de ferme, trouvée noyée au glacis des vantaux du moulin de Braine ; en 1772, Denis Bardon, domestique à Château-Thierry, trouvé noyé à Chézy, dans le ru du Dolloire, « ayant été pêcher dans l’écluse du moulin du Gravier » ; en 1782, à Pont-Saint-Mard, Jean-Pierre Bertrand, 12 ans, fils du premier charretier de M. Sevelinge, seigneur d’Épagny, « trouvé étouffé dans la boue du bas du chemin qui longe l’étang du moulin d’en bas » ; en 1784, Nicolas Vasselin, laboureur au Sourd, noyé dans un des canaux du moulin de Guise, etc,
Dans les pages que le délicat talent d’André Theuriet a consacrées à la « Vie rustique » et que Lherniitte a illustrées avec son exactitude et sa poésie coutumières, le Moulin apparaît comme un asile de labeur ordonné et paisible, et il en donne cette touchante évocation : « Moulins à vent aux grandes ailes tournantes, sur les plateaux éloignés des rivières ; moulins à eau, dans les vallées plantureusement arrosées ... Oh, ces humbles moulins à eau, perdus dans les plis des gorges boisées, et que remplacent malheureusement les grands moulins de commerce, comme ils sont délicieusement situés, et quel charme intime ils donnent au paysage !...
« Perchés à chevauchons sur le ruisseau, à cent pas des prés, ils élèvent leurs bâtiments moussus à l’ombre des saules et des peupliers blancs, qui lancent du sol spongieux et humide leurs fûts sveltes et minces, jusqu’à une grande hauteur. Les cimes feuillues se rejoignent au-dessus de l’eau somnolente du bief, où se reflètent nettement des enchevêtrements de branches et des coins de soleil. Toutes ces feuillées tamisent mollement la lumière ; la gamme des verts y est au complet : depuis le vert cendré des saules jusqu’au vert sombre des aulnes. Et dans cette solitude embaumée par l’odeur des menthes, égayée par le vol de martins-pêcheurs et le sautillement des bergeronnettes-lavandières, le moulin au seuil enfariné murmure du matin au soir son vivant tic-tac :
Longtemps troublée et confuse
Dans I’Écluse,
L’eau jaillit en écumant ;
Libre. elle presse la roue
Et se joue
En grappes de diamant.
Le meunier moud sa farine
La plus fine
Et siffle comme un oiseau ;
Assise sur une pierre,
La meunière
Jase en tournant son fuseau ... ».
Ce frais tableautin, c’est celui que les plus âgés d’entre nous ont pu connaître dans leur enfance ; mais comme il est loin des moulins que nous venons de passer en revue !
En fait, le moulin banal, comme le four banal, comme le pressoir banal, comme tant de servitudes, qui, en fin de compte, étaient plus vexatoires pour les sujets que profitables aux seigneurs, est pour beaucoup dans le mécontentement qui agite les campagnes à la veille de la Révolution. Les agents du pouvoir seront les premiers à condamner les vices d’un tel système, comme l’atteste entre cent autres témoignages cette lettre adressée à Necker par l’intendant Bouchrom le 4 Mai 1789 : « Les moyens de fraude par les meuniers, écrit-il, sont en général si multipliés et si faciles, et la difficulté de constater et de faire réprimer les abus de ce genre est si grande que ce n’est guère qu’en rendant aux particuliers la liberté de faire moudre leurs grains là où ils veulent, qu’on pourrait espérer de faire cesser les plaintes qu’excitent trop souvent et trop justement les fermiers des moulins banaux... Ils sont en quelque façon assurés de l’impunité, (mais) le prix de leur ferme s’elève souvent à un taux qui suppose nécessairement des bénéfices illicites... ».
La plupart des Cahiers du Tiers État, de leur côté, s’attaquent tout spécialement à ces banalités qui paralysent la vie rurale et dont les détenteurs seraient le plus souvent bien empêchés de produire des titres valables. Il ne faut pas s’étonner que dans les soulèvements qui, à la fin du printemps de 89, lancent à l’assaut des châteaux des foules en délire, le premier geste de ces révoltés soit de brûler des liasses de parchemins qui prétendaient justifier ce qu’un obscur député breton, Leguen de Kérangal, dénonçait « comme des outrages non seulement à la pudeur, mais à l’humanité même ».
Comme tout ce qui touche à l’histoire de ce pain quotidien, qui a été et qui reste un des grands problèmes de l’humanité, celle du moulin, en dépit de vieilles chansons où l’ironie de nos ancêtres prend courageusement le pas sur la tristesse ou la colère, est plus souvent tragique que divertissante.
G. HARDY,
Président d’Honneur
de la Société Historique et Archéologique
de Château-Thierry.
Meuniers Moulins Meunerie Aisne Généralité de Soissons
Commentaires
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- 1. SCHMERBER Benoît Le 11/05/2021
Bonjour,
Je suis à la recherche d’informations sur l’histoire du Moulin dit des Comtes de Marle, en aval de celui des Temps barbare–02250 Marle. Nous avons bien avancé sa restauration et commencer à reconstituer sa roue. Mais pour le moment les seules informations dont nous disposons figurent dans le droit d’eau. Des recherches aux niveau des archives de Laon se sont révélées infructueuses. Auriez-vous de votre côté de quoi nourrir notre curiosité ?
Merci beaucoup
Bien cordialement
Benoît Schmerber -
- 2. Garçon Le 19/11/2020
bonsoir monsieur
notre petite commune comme tant d'autres voit s élever sur son terroir les grandes pales des éoliennes . Je me suis donc mis en tête de retrouver les traces des moulins à vent qui existaient à Monceau le Neuf et Faucouzy. A priori, 4 d'entre eux ont fonctionné, un extrait cadastral mentionne d'ailleurs un lieu "moulin Richet"
Auriez vous d'autres renseignements à ce sujet?
Bien cordialement
P.GARCON-
- btrichet1Le 29/11/2020
Bonsoir Monsieur, En effet j'ai des éléments sur les moulins et meuniers de Monceau-le-Neuf et Faucouzy. Une page est prévue sur ce site et sera mise en ligne très prochainement. Je vous renverrai un message à ce moment-là. Bien cordialement, Bruno Trichet
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- 3. pasquier Le 18/10/2019
bonjour, mes ancêtres ont occupés le moulin de pouilly sur serre. Auriez vous des informations a me communiquer à ce sujet.
il s'agit des famille giffart, lachaussée et pierre veron qui en était propriétaire dans les années 1650. je recherche des actes de ventes ou autres sur ces familles.
cordialement
patrice pasquier
descendant des giffart et avant lachaussée ou de la chaussée et encore avant des francqueville et de marie de haynin.-
- btrichet1Le 30/03/2020
Bonjour Monsieur Pasquier, Merci de votre message. Navré du grand retard de ma réponse : entre le fait de n'avoir pas vu à temps votre message et celui d'avoir un peu laissé de côté la construction du site depuis près d'un an. Je profite du confinement pour m'y atteler de nouveau. Malheureusement, je suis bien en peine de vous répondre, n'ayant à ce jour collecté aucune info sur le moulin de Pouilly et ses meuniers. Je vous renvoie vers le site de Généalogie Aisne qui a quelques données sur ce moulin qui pourraient éventuellement vous orienter dans vos recherches. Voici le lien, au besoin faites un copier-coller dans votre barre de recherche : http://old.genealogie-aisne.com/newmetiers/meunier2.php?id=261 N'hésitez pas à me re-sollicité plus tard, en tout cas à revenir sur ce site dans l'optique de nouvelles informations et éventuellement me partager les vôtres afin de nourrir ce site. Bien à vous et bonne réussite dans vos recherches. Bruno Trichet
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